Dans la Cuisine de l'Herboriste : Articles  

L’Ail ou les trésors de votre placard & 10 secrets pour en manger à toutes les sauces en gardant l’haleine fraîche !

Ail de Cherrueix (Ille-et-Vilaine)

A un moment de notre histoire, l’ail était tellement précieux qu’on pouvait recevoir une partie de son salaire en ail.

Aujourd’hui, on la remarque à peine, cette petite gousse qui traîne au fond de nos placards…

Et pourtant : s’il n’y avait qu’une plante à garder dans la cuisine de l’herboriste, ce serait elle. Sans hésiter !

Le pourquoi et le comment, c’est par ici...

Des propriétés bien connues depuis des millénaires

Depuis l’Antiquité, les propriétés fortifiantes et protectrices de l’ail ont été utilisées pour soutenir les plus durs labeurs :

  • En Egypte ancienne, on en distribue comme fortifiant aux ouvriers pendant la construction de la pyramide de Khéops.
  • Les Grecs et les Romains en donnent aussi à leurs soldats avant les combats.
  • Dans la même veine, l'ail et l'oignon crus, accompagnés de galettes, constituent l'essentiel de la nourriture de ceux qui travaillent sur les chantiers assyriens et babyloniens.
  • Au Moyen Âge, l’ail fait partie prenante de l’alimentation des paysans.

D’abord nourriture et médicament du peuple, dédaigné par les classes supérieures qui n’apprécient pas son odeur, l’ail s'invite bientôt à la table des rois : 

  • A une époque où les épidémies de peste se succèdent et déciment des populations entières, Charlemagne lui-même en impose la culture dans les jardins et potagers des monastères.
  • Après lui, son fils Louis le Pieux accorde à la plante une place dans les jardins royaux.
  • A la naissance d’Henri IV, son grand-père lui frotte les lèvres avec de l’ail pour lui assurer force et vigueur, tradition qui va perdurer pendant des siècles. Henri IV est d’ailleurs resté célèbre pour sa consommation journalière d’ail cru.

Tête d'ail noir

L’ail et l’herboriste

Au lieu de vous donner une liste interminable de toutes ses propriétés, on vous a fait une sélection. Ce n’est pas que les autres ne sont pas importantes, mais quand les listes sont trop longues, on se perd et on ne retient plus, alors on préfère aller à l’essentiel :

  • L’activité antibactérienne de l’ail est puissante et a été largement étudiée. C’est Louis Pasteur lui-même, en 1858, qui se rend compte que les bactéries meurent lorsqu’on les asperge de jus d’ail.  On sait aujourd’hui que ce sont les composés soufrés de la plante qui sont ici largement responsables, notamment l’allicine.
  • L’ail exerce aussi une action antivirale, notamment sur les herpès simplex virus de types 1 et 2, les virus à l’origine de la grippe ou le rhinovirus de type 2 responsable de rhumes.
  • Il stimule l’immunité en augmentant l’activité des macrophages, ces globules blancs capables de phagocyter les agents pathogènes, et qui jouent à ce titre un rôle clé dans le développement de la réponse immunitaire.
  • Il a une action protectrice sur le foie : selon le Dr. Lorrain, "il limite le risque lié à l’intoxication par les métaux lourds et les solvants".
  • De nombreuses études et méta-analyses ont été publiées sur les propriétés anti-hypertensives de l’ail.
  • Il est est aussi un puissant antioxydant, notamment grâce à sa richesse en vitamines E et C, en sélénium et là aussi, en composés soufrés.
  • Enfin, l’ail agit comme prébiotique : il va nourrir les bactéries bénéfiques du côlon et contribuer ainsi à l’entretien de notre flore intestinale… dont on connaît aujourd’hui le rôle crucial sur notre santé.

En cuisine : on en met partout !

L’ail cru… Aïe Aïe Ail !

Les composés de l’ail sont bien conservés quand on le consomme cru, mais voilà : tout le monde n’est pas armé de la même manière pour le digérer… et on peut avoir peur de la fameuse "haleine d’ail", dure à assumer en société !

Voilà 10 secrets à connaître pour rester maître de la situation :

1. Combiner l’ail et le persil : La sagesse populaire fait bien les choses : voyez comme ces deux-là se retrouvent souvent ensemble !
Le persil favorise la digestion de l’ail et évite qu’il ne pollue l’haleine.

Dans les sauces célèbres qui les associent, vous avez :

  • La persillade, où on mélange simplement l’ail et le persil, qu’on ajoute en toute fin de cuisson à une poêlée de champignons, par exemple.
  • La sauce chimichurri, condiment sud-américain très frais qu’on sert pour accompagner les grillades, et dans laquelle on trouve de l’ail, du persil, de l’origan, du piment, un peu d’huile, de vinaigre et de citron. On l’adore pour relever le goût de nos rouleaux de printemps végétaux !

Rouleaux de printemps sauce chimichurri

2. L’intensité de l’ail cru et sa teneur en allicine varient en fonction de sa préparation... :

L’allicine, responsable du goût piquant, mais aussi en partie des propriétés de l’ail, est produite lorsqu’on l’"abîme".

Coupé grossièrement, l’ail va être moins piquant et va moins marquer l’haleine.

Si vous voulez au contraire une saveur puissante, et une concentration plus importante en allicine, vous allez préférer l’ail :

  • Passé au presse-ail, pour une saveur un peu plus marquée
  • Pilé dans un mortier, pour un goût encore augmenté
  • Réduit en purée, si vous voulez une intensité maximum !


3. mais aussi du temps entre le moment de sa préparation et celui de sa consommation :

Une fois l’ail "abîmé", la production d’allicine va augmenter pendant environ 1 minute, avant de redescendre :

  • Si on veut profiter au maximum de son piquant et de ses propriétés, on le laissera donc reposer 1 minute avant de l’utiliser.
  • Si on a du mal à le digérer, on attendra un peu plus !

4. Le pesto de plantes fraîches :

Cette sauce italienne que vous pouvez décliner au gré des saisons et qui accompagne si bien les pâtes permet d’inviter l’ail cru dans son assiette sans en avoir l’air… tout en restant maître de la dose !

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Pesto de capucine 

5. Faire fermenter l’ail améliore sa digestibilité :

Ce processus transforme agréablement son goût qui va devenir plus doux et complexe.

Il suffit de placer votre ail épluché dans un pot type Le Parfait bien propre, et de le recouvrir d’une saumure (généralement, nous mettons 3% de sel par rapport au volume d’eau). Puis vous n’aurez qu’à attendre quelques semaines que les bactéries fassent leur travail...


6. Les vinaigres aromatisés :

Ils sont très simples à réaliser et offrent une palette de goûts délicats et complexes.

Certaines préparations, comme le vinaigre des 4 voleurs, ont été utilisées en temps de peste comme antiseptiques.

Aujourd’hui, c’est la célèbre herbaliste américaine Rosemary Gladstar qui a rendu populaire une recette de vinaigre aromatisé auquel elle a donné le nom poétique de vinaigre de feu.
Dans la recette originale, on trouve des oignons, de l’ail, du gingembre, du piment de cayenne, de la racine de bardane… et nombreux sont les herbalistes qui se sont appropriés cette idée pour en proposer des variantes, en y ajoutant leurs herbes préférées.

Pour faire un vinaigre aromatisé, il suffit de recouvrir de vinaigre les ingrédients choisis dans un pot stérilisé, et de laisser macérer le tout pendant environ 3 semaines.


7. Faites sécher votre ail :

Si vous cultivez votre ail, vous pouvez utiliser la méthode de séchage traditionnelle qui consistait à tresser entre elles les têtes et à les suspendre dans un endroit bien sec.

Au déshydrateur ou au four, on coupe des tranches assez fines qu’on fait sécher à basse température (55°C) pendant une 6 à 7 heures. Si vous le faites au four, pensez à jeter un oeil régulièrement.

L’ail est bien sec quand les tranches sont vraiment cassantes. Ces chips vont développer des saveurs douces et complexes, et vous pourrez les utiliser telles quelles pour apporter une décoration croquante à vos plats et vos soupes.

Réduit en poudre, l’ail séché restera stable pendant des mois s’il est conservé dans un récipient hermétique, à un endroit frais et sec.

Ail déshydraté ou "semoule"

8. Cuisson douce ou cuisson rapide :

Cuire l’ail ne détruit pas forcément l’allicine. Dans sa thèse sur l’ail et ses propriétés, L. Colin explique : Des études ont montré que les composés sont préservés pour un temps de cuisson ne dépassant pas les 20 minutes, ainsi qu’une température n’excédant pas 100°C (…). On ajoutera donc l’ail que 20 minutes avant la fin de la cuisson".  [1]

A la cuisson, l’ail va s’adoucir. Comme on l’a vu plus haut, plus il sera coupé grossièrement, moins il sera piquant.

Lorsqu’il est cuit entier, l'ail ne contient pas d’allicine. Sa saveur sera alors très douce et sucrée.
Traditionnellement, on écrase la gousse avant de la cuire "en chemise" (sans épluchage), pour lui permettre de libérer de légères saveurs soufrées.


9. Pâte d'ail, pâte de curry :

Pour les amateurs de cuisine indienne, l’ail est un ingrédient incontournable.

La pâte d’ail, qui est un mélange d’ail haché et d’huile, sert de base à beaucoup de recettes, notamment pour des sauces curry.

On peut facilement préparer sa pâte de curry maison, comme dans cette recette.


10. L’ail noir :

Si vous ne connaissez pas encore cette petite merveille, c’est un ail dont la chair est à la fois attendrie et brunie par :

  • Une cuisson très longue (2 à 3 semaines),
  • A basse température (60 à 80°C)
  • Dans une atmosphère humide (70 à 90% d’humidité).

Un processus de fabrication unique, mis au point au Japon dans les années 2000 après une dizaine d’années d’expérimentations.
L’objectif de ces recherches ? Concentrer et amplifier certaines propriétés de l’ail tout en le rendant parfaitement digeste.

Au Japon, ce sont notamment les études du professeur Jin Ichi Sasaki, spécialiste en immunologie à l’Université d’Hirasaki, qui ont popularisé les vertus de ce condiment.

Parmi ses nombreuses actions, retenons qu’il est :

  • Anti-oxydant (plus que l’ail cru)
  • Stimulant du système immunitaire
  • Détoxifiant et protecteur du foie
  • Anti-bactérien (moins que l’ail cru)

Cet ail est vraiment un délice, avec des arômes caramélisés et de noisette. Sa texture crémeuse permet de l’intégrer facilement à de nombreuses préparations (sauces, marinades, purées…). On peut même l'utiliser en dessert : ses notes de fruits confits et de réglisse sublimeront n'importe quel pains d'épices, par exemple.

Seul inconvénient de taille... cet ail noir se vend à prix d'or !

Gousses d'ail noir

Pour finir : un peu de botanique ! De l’ail cultivé aux aulx sauvages…

Parmi les espèces du genre Allium, de nombreuses sont sauvages.

Bonne nouvelle : tous les aulx sont comestibles – même s’ils n’ont pas tous le même intérêt culinaire... Attention bien entendu aux risques de confusion avec des plantes toxiques !

Pour certains auteurs, les différents types d’ail sauvage auraient les mêmes propriétés que l’ail cultivé.
Pour d’autres, comme P.Lieuthaghi, ces propriétés ne concernent que l’Ail des vignes (Allium vineale), l’Ail victorial (Allium victorialis) et l’Ail des ours (Allium ursinum).

Fleur & bouton d'Ail des ours

Si vous aimez les plantes sauvages : Allez faire un tour dans la partie Recettes du blog : Vous y trouverez par exemple celle de ce Houmous de pois cassés à l'ail des ours !

Sources :

  • [1] L. Colin, L’ail et son intérêt en phytothérapie, Université de Lorraine - Thèse en Sciences pharmaceutiques, 2016.
  • P. Lieutaghi, Le Livre des bonnes herbes, Actes Sud, 1996.
  • Dr. E. Lorrain, Grand Manuel de phytothérapie, Dunod, 2019.
  • H. Ryu, D. Kang, Physicochemical Properties, Biological Activity, Health Benefits, and General Limitations of Aged Black Garlic: A Review, in Molecules, juin 2017.
  • Dr. Stuart Farrimond, Les épices, conseils d’experts, Éditions Prisma, 2018.
  • Dr. Stuart Farrimond, Cuisinology, Marabout, 2017.
  • Dr. J. Valnet, Se soigner par les légumes, les fruits et les céréales, Le Livre de Poche, 2015.
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