Dans la Cuisine de l'Herboriste : Articles  

Umami ! Pour une cuisine végétale riche en goût, en nutriments & en protéines (II)

Ramen sauvage

L’umami, c’est un mot chantant et plein de promesses… mais il n’est pas forcément facile à cerner ! C’est pour ça qu’on a décidé de faire une série de 2 articles : le 1er pour comprendre la théorie, et celui-ci pour passer à la pratique !

Maintenant que vous avez tout compris sur cette 5e saveur, passons aux choses concrètes : comment l'utiliser en cuisine ?
Regardons de plus près les principales sources végétales d'umami et les astuces pour les intégrer facilement à votre assiette.

Les ingrédients riches en umami sont très nombreux :

  • Le monde animal en est rempli.
  • Du côté du végétal, certaines "stars" sortent nettement du lot, et on a aujourd’hui des ressources variées et fiables aussi bien sur leur richesse nutritive que sur leurs propriétés.
    Partons à leur (re)découverte !

Les algues, stars de l'umami

Très riches en umami, les algues sont des ingrédients majeurs de la cuisine japonaise, coréenne et chinoise depuis des millénaires. Ce n’est pourtant que récemment qu’elles ont commencé à trouver une place dans l’assiette des Occidentaux.

Ce sont de véritables bombes nutritives, qui contiennent :  

  • Tous les acides aminés importants, dont ceux que notre organisme ne peut pas synthétiser et qui nous sont apportés exclusivement par l’alimentation.
  • Des nutriments indispensables au bon fonctionnement du corps humain (vitamines, minéraux, fibres, acides gras essentiels…). Certaines algues, comme le Nori, sont même riches en vitamine B12, dont les sources végétales sont rares et dont la carence est souvent redoutée par les vegans.

En cuisine, les algues vont :

  • Approfondir le goût des sauces & des bouillons :
    Ajoutez des algues (fraîches ou déshydratées) à une sauce à base d’huile de sésame, de vinaigre de riz et de sauce soja pour assaisonner un bo bun ou une salade de chou rouge par exemple.
    Si vous aimez la cuisine japonaise, le bouillon dashi est la base de très nombreuses recettes, dont celle de la soupe miso. On l’a vu dans la 1ère partie, l'algue Kombu en est l’un des ingrédients traditionnels. Attention simplement à ne pas faire bouillir votre bouillon pour éviter que la préparation ne devienne amère.
  • Apporter une touche originale à vos desserts : On peut utiliser notamment la Dulse ou le Wakame dans des préparations sucrées comme des brownies, des caramels, ou encore des energy balls (dont vous trouverez une recette dans notre ebook cadeau).
  • Booster vos assaisonnements : Au quotidien, les algues sont d’autant plus faciles à intégrer à votre assiette qu’on les trouve maintenant sous formes de paillettes dont il suffit de saupoudrer ses plats.
    Pour une version à saupoudrer un peu plus sophistiquée, essayez le furikake, condiment japonais à base de sésame et d’algues (là aussi, on vous propose une recette dans notre ebook cadeau).

Bo bun vegan

Les champignons et leur vedette : le shiitake

Ce sont les grands alliés de la cuisine végétale : pour nous, ce sont les meilleurs "substituts" de viande. Leur goût comme leur texture en sont tellement proches !

Une étude américaine s’est d’ailleurs employée à prouver scientifiquement ce constat : "Dans certains plats à base de viande, on peut remplacer celle-ci par des champignons sans compromettre le goût des plats, et tout en améliorant leur qualité nutritionnelle en en réduisant la quantité de sodium, les calories, les graisses saturées et le cholestérol. Cela est rendu possible par la présence de ces composants uniques et appelés "umami" dans les champignons" [1].

Au sein du grand règne des champignons, le shiitake a été propulsé sur le devant de la scène par les découvertes de ses qualités à la fois gustatives, nutritives et médicinales, dont les propriétés étaient cela dit empiriquement déjà bien connues au Japon et en Chine depuis des millénaires.

Pour résumer :

  • Sec, c’est l’un des aliments les plus riches en glutamate dont on a vu le lien avec l'umami dans la 1ère partie (la concentration est multipliée pratiquement par 15 par rapport au produit frais !).
  • Toujours dans le champignon sec, on trouve du guanylate, une de ces molécules qui vont entrer en synergie avec le glutamate, si bien qu’une faible quantité d’une des deux substances va pouvoir amplifier de manière significative le goût de l’autre (on vous parle de l’umami et de cette idée de synergie un peu plus loin).
  • Le shiitake présente aussi une concentration intéressante en minéraux.
  • Mais c’est un autre constituant qui a tout particulièrement attiré l’attention : le lentinane, dont les propriétés immuno-stimulantes et anti-tumorales ont été découvertes dans les années 1970 et largement étudiées depuis [2].

En cuisine, voilà quelques-unes de nos recettes & astuces préférées avec les champignons :

  • Des shiitake rôtis caramélisés au soja et au sirop d’érable, que vous pouvez utiliser comme garniture de vos sandwhichs végéta*iens, comme ici dans notre recette de gua-bao sauvages. Attention de toujours faire cuire au moins une vingtaine de minutes vos shiitake, car ils peuvent provoquer des dermatites toxiques lorsqu’ils sont consommés crus ou pas assez cuits.
  • Des pleurotes marinées et rôties "à la broche" sont incroyables pour garnir un kebab végé (comme celui que l'on faisait au food-truck et que vous pouvez voir sur la photo qui suit).
  • Des champignons comme base de bouillon : les shiitake sont un autre ingrédient de base du fameux bouillon dashi japonaisAvec des navets, des carottes, de l’ail, on en fait aussi de délicieuses soupes végétales reconstituantes. Et vous pouvez bien sûr ajouter des champignons en garniture de vos ramen.
  • Des champignons en dessert… c’est possible ! Par exemple, pour une pumpkin pie originale, on a ajouté de la poudre de bolet bai à notre pâte à tarte, et caramélisé des fines lamelles au sirop d’érable pour en faire des petites chips. C’était délicieux !

Kebab végétarien (à base de pleurotes)

Graines de soja & fermentation

Sauce soja, miso, tofu fermenté, natto, gochujang… 

Ces ingrédients on 2 points communs :

  • Leur richesse en umami évidemment, indice de leurs qualités nutritionnelles.
  • Et leur processus de fabrication à base de graines de soja fermentées.

Ces graine est produite par la plante la plus cultivée dans le monde. Avec sa forte concentration en protéines, elle fait partie intégrante de la cuisine traditionnelle de beaucoup de pays d’Asie.

Pourtant : elle ne peut pas être mangée crue !

Elle est donc toujours transformée avant d’être consommée. La fermentation est sûrement le procédé le plus commun et le plus ancien. On sait aujourd’hui que cet art millénaire a pour effet d’augmenter à la fois la qualité et la biodisponibilité des protéines naturellement présentes dans la graine de soja [3], mais aussi d’autres nutriments comme ses minéraux par exemple, améliorant ainsi sa valeur nutritionnelle.

De nombreuses études ont été réalisées, montrant que : "La consommation de produits dérivés de la fermentation de la graine de soja a été reliée à beaucoup d’avantages pour la santé, comme la réduction du risque de maladies cardiovasculaires, la réduction du risque d’AVC ischémique, et la baisse des niveaux de cholestérol qui à leur tour font baisser l’incidence de l’athérosclérose" [4].

Bien sûr, chaque produit a ses spécificités propres. Par exemple, le processus de fermentation du tempeh, ingrédient traditionnel de la cuisine indonésienne, pourrait lui donner des propriétés singulières de neuro-protecteur et d’antioxydant puissant, donc un rôle préventif contre certains cancers.

On avait envie ici de mettre l’accent sur les produits à base de soja, mais d’autres produits fermentés présentent aussi une grande richesse en umami liée à leur valeur nutritionnelle, comme le kimchi (chou fermenté coréen), ou encore les olives.

En cuisine, les graines de soja dans tous leurs états :

  • Le miso a un goût vraiment extraordinaire : une sauce au miso transforme complètement un plat. Avec de l’huile de sésame et du vinaigre de riz, il fera une délicieuse variante de vinaigrette. Retrouvez ici la recette d'une sauce crémeuse au miso qu'on a utilisée dans notre bento iodé.
  • Au food-truck, on a adoré utiliser le tempeh rôti et nappé avec une sauce satay (à base de cacahuètes) dans un gado-gado végétarien.
  • Le tofu, fermenté ou non, est souvent regardé avec méfiance : c'est vrai que quand on ne sait pas bien le cuisiner, il est vite fade et décevant. Pourtant, il peut vraiment ajouter de la texture et du goût. On l’utilise souvent en mélange avec des champignons, dans certaines de nos boulettes ou dans des farces de nems, par exemple.
  •  Le gochujang est un condiment phare de la cuisine coréenne. Il est à base de meju (pâte de soja fermentée) et de piment rouge. Sa saveur est unique : aigre-douce, épicée et fermentée. En Corée, il sert de base à la sauce qui accompagne le bibimbap, plat très populaire en Corée qui propose des garnitures variées sur une base de riz.

Gado-gado végétarien au tempeh

La tomate, invitée surprise à la table de l'umami

C’est le fruit le plus riche en glutamate !

Et comme pour le shiitake, cette concentration est multipliée lorsqu’elle est séchée (ici, environ par 4) [5].

Omniprésente dans nos assiettes, la tomate fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt à la fois scientifique et économique :

  • Ses propriétés sont généralement associées à sa richesse en lycopèneantioxydant très puissant aux possibles propriétés protectrices du système cardiovasculaire [6].
  • Elle est aussi riche en vitamines et en minéraux, et apporte "15 à 17 des principaux acides aminés indispensables, dont la thréonine, la lysine (qui favorise la formation des anticorps), l’arginine (impliquée dans l’immunité, la fertilité, la sécrétion des hormones de croissance, la cicatrisation…), etc. Acides malique, pectique, citrique (0,60 %) complètent le tableau auquel il faut ajouter le fameux GABA, l’acide gamma-aminobutyrique, aux propriétés sédatives" [7].

En cuisine, changez de regard sur la tomate grâce à l'umami :

  • Au cours du processus de maturation de la tomate, sa concentration en acides aminés (dont le glutamate) va varier : c’est dans la tomate bien mûre qu’on va pouvoir déceler un goût umami. Elle a alors la capacité d’entrer en synergie avec d’autres ingrédients umami et d’en décupler le goût.
  • Retenez que ce sont les tomates cerises qui sont les plus riches en glutamate.
  • Les analyses ont montré que la pulpe interne de la tomate contient de 3 à 6 fois plus d’umami que la pulpe externe. Attention donc à bien la garder !
  • Les tomates séchées donneront du goût à vos salades, sandwichs, muffins… elles font aussi un pesto rouge extraordinaire.
  • La purée de tomate sert de glutamate "naturel" : utilisée comme base de sauce, elle est un excellent moyen de relever les plats. On s’en sert par exemple dans nos bases de sauces curry.
  • Dernière astuce, rôtir les tomates au four à basse température avec des herbes aromatiques permet de concentrer leur saveur umami.

Voilà donc les principales sources végétales d’umami. On en a parlé séparément, mais c’est vraiment en interagissant entre elles que ces différents ingrédients vont révéler tout leur potentiel !

Quesadilla été-automne

Umami, synergie & art culinaire

Le concept de synergie a rapidement émergé avec les études sur l’umami.

Pour faire bref : L’intensité du goût apporté par le glutamate ne dépend pas seulement de la quantité de cette molécule présente dans une préparation, mais aussi d’interactions avec d'autres substances qui vont décupler son effet.

Après la découverte de K. Ikeda, d’autres ingrédients traditionnels du bouillon dashi vont être étudiés :

  • La bonite, un poisson qu'on consomme beaucoup séché et fumé au Japon, à partir duquel sera isolé l’inosinate.
  • Le shiitake (dont on a parlé avec les champignons), dans lequel on a identifié le guanylate.

Le dashi, en associant ces différentes molécules, est un parfait exemple de synergie.

Les traditions culinaires avaient apparemment très bien compris cet art de l’association avant que la chimie ne l’explique, avec la sauce bolognaise italienne, par exemple, qui marie tomate et viande.

En parlant d'art culinaire, le développement à grande échelle de produits comme le MSG (forme industrialisée du glutamate, vendu comme exhausteur de goût) a bien fait apparaître les limites de notre mariage entre chimie et cuisine : vendu sous forme de poudre et complètement coupé de ses ingrédients d’origine, le glutamate monosodique (MSG) a bien conquis le monde… mais pour finir par être associé aux pires dérives de la malbouffe ! Accusé de rendre acceptables - ou même addictives ! - des préparations vidées de tout intérêt nutritionnel, il a même été soupçonné de représenter un danger pour la santé publique. [8]

Et en même temps, la découverte de l’umami a ouvert un champ de recherches et d’expérimentations qui ont amené tant les scientifiques que les cuisiniers à explorer des horizons nouveaux. Elle a aussi remis en lumière l’intérêt de certains ingrédients et de certains processus de conservation comme le séchage ou la fermentation.

Comme quoi, une même découverte peut mener au pire… comme au meilleur ! On nous souhaite à tous de laisser la poudre de glutamate au placard et de profiter de la puissance des sources naturelles d’umami. Qu’elles nous permettent d’enrichir notre cuisine, d’expérimenter et de créer des assiettes végétales hautes en saveurs !

Bibimbap végétarien

Sources :

  • [1] A. M. Miller, K. Mills, T. Wong, G. Drescher, S.M. Lee, C. Sirimuangmoon, S. Schaefer, S. Langstaff, B. Minor et J.-X. Guinard, Flavor-enhancing properties of mushrooms in meat-based dishes in which sodium has been reduced and meat has been partially substituted with mushrooms, Jounal of Food Science, 2014.
  • [2] Voir à ce sujet : T. Mizuno, Shiitake, lentinus edodes : Functional properties for medicinal and food purposes, Food Reviews International, 1995.
    Ou encore : [2] Y. Zhang, M. Zhang, Y. Jiang, X. Li, Y. He, P. Zeng, Z. Guo, Y. Chang, H. Luo, Y.Liu, C. Hao, H. Wang, G. Zhang, L. Zhang, Lentinan as an immunotherapeutic for treating lung cancer : a review of 12 years clinical studies in China, J Cancer Res Clin Oncol, 2018.
  • [3] A. Sa, Y. Moreno, B. Carciofi, Plant proteins as high-quality nutritional source for human diet, Trends in Food Science and Technology, 2020.
  • [4] V. Mani, L.C. Ming, Tempeh and Other Fermented Soybean Products Rich in Isoflavones, in Fermented Foods in Health and Disease Prevention, Elsevier, 2016.
  • [5] Voir le détail des ingrédients riches en umami sur le site du Centre d'information Umami.
  • [6] S. Przybylska, G. Tokarczyk, Lycopene in the Prevention of Cardiovascular Diseases, Int J Mol Sci, 2022.
  • [7] Voir l'article du blog Books of Dante sur la tomate.
  • [8] Voir à ce sujet : J. Sand, A Short History of MSG : Good Science, Bad Science, and Taste Culture, Gastronomica, 2005.
    Ou encore : K. Niaz, E. Zaplatic, J. Spoor, Extensive use of monosodium glutamate : A threat to public health ?, EXCLI Journal, 2018.
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