Dans la Cuisine de l'Herboriste : Zoom Plantes  

Le Chou (Brassica oleracea)

Panier de choux bretons !

C’est vrai qu’on ne pense pas vraiment à ce légume comme à un trésor, lui qu’on trouve partout, à bas prix, dont l’odeur est loin de faire l’unanimité et qui a la réputation d’avoir des conséquences fâcheuses sur le système digestif !

Il faut dire qu’on croit souvent qu’il n’y a que ce qui est rare qui peut être précieux : alors ce chou, présent en abondance jusqu’aux plus sombres jours de l’hiver, ne vaudrait clairement pas grand-chose ?

D’ailleurs, en 1883, le Dr. A. Blanc faisait déjà ce constat amer : "Être rare, venir d’un pays éloigné, porter un nom inconnu, bizarre, avoir une valeur vénale, sont autant de considérations qui donnent du prix à un médicament et dont est entièrement dépourvue la feuille de chou". Et pourtant…

Chou de Milan

Un peu d'histoire

Les plus grands auteurs antiques en faisaient déjà l’éloge : Hippocrate, Chrysippe, Pline, Galien, Caton l’Ancien, Pythagore en ont vanté les vertus. En fait, chez les Latins, le légume était tellement prisé qu’on l’appelait "olus", c’est-à-dire "le légume par excellence".

C’est aussi une culture prisée au Moyen-Âge, sans doute parce qu’en plus de pouvoir pousser en hiver, le chou est de bonne conservation et riche en vitamine C et en nutriments nécessaires en cette saison. Si sa consommation en trop grande quantité par des populations sous-alimentées peut occasionner des troubles du fonctionnement de la thyroïde (avec l’apparition de goitres), on comprend qu’il sera tout de même d’une grande utilité pour passer l’hiver. Pas étonnant que sa culture se soit répandue dans le Nord de l’Europe, en Allemagne, en Pologne et en Russie par exemple…

Aujourd’hui, les principaux pays producteurs sont la Chine et l’Inde, mais on en produit aussi au Mexique, en Égypte, au Bangladesh, en Turquie, en Indonésie, en Algérie ou au Maroc. On imagine facilement l’incroyable diversité culinaire qu’une plante cultivée depuis tant de temps et dans tant de cultures différentes va pouvoir nous offrir !

Chou romanesco

Culture

A tous les points de vue, le chou rime avec diversité : "Les choux m'ont toujours fait penser à ces familles nombreuses où l'on voit représentés les types les plus variés de l'humanité. Il en est de géants et de nains, de ventrus comme des financiers et de grêles comme des poètes incompris", écrivait le Dr. H. Leclerc dans Les légumes de France. Et effectivement ! On peut vite avoir la tête qui tourne quand on commence à vouloir recenser toutes les variétés de choux, tant il y en a.

Pourtant, elles ont toutes un même ancêtre commun : le chou sauvage (Brassica oleracea). P.-V. Fournier, grand botaniste, retrace ainsi l’histoire de ses mutations et hybridations successives :

  • "Dans les Choux verts, les feuilles et les tiges sont normales.
  • La variation, en agissant sur les feuilles pour former une tête, a produit les Choux pommés ou Cabus (Antiquité).
  • En développant les bourgeons aux aisselles des feuilles, elle a donné les choux de Bruxelles (fin du XVIIIe s.).
  • En hypertrophiant l’inflorescence, elle a donné le Chou-fleur (Orient, XIIe s.).
  • En opérant un renflement de la tige au-dessus du sol, elle a créé le Chou moëllier et le Chou-rave."

Donc si vous pensiez ne pas aimer les choux, ça vaut peut-être la peine d’insister !

Ses propriétés

Mais ce n’est pas tout ! Dans son livre Se soigner par les plantes, les légumes et les céréales, J. Valnet nous explique ceci : "Pendant six siècles, les Romains se servirent du chou – par voie interne ou en application externe – pour toutes leurs maladies. Ils l’employaient comme purgatif, dépuratif, en préparaient des cataplasmes. Les soldats s’en servaient pour panser leurs blessures. En ce temps-là, c’était une panacée".

Alors qu’est-ce qui a valu au chou d’être le roi de la pharmacie romaine pendant une si longue période ? Vous vous en doutez, il faudrait des heures pour vous parler de toutes ses propriétés (le Dr. Valnet lui consacre pas moins de 30 pages dans son ouvrage), voilà donc un résumé succinct de nos recherches :

  • Tout d’abord, sa richesse en minéraux et en vitamines en fait un excellent reminéralisant et reconstituant, ce qui conduit le Dr. Valnet à le considérer comme un rééquilibrant général.
  • Comme il est aussi un bon dépuratif, il peut se prêter, au printemps, à une cure de détox. Voilà pour J. Valnet la meilleure manière de consommer le chou : "L’absorber en hors-d’œuvre au début des repas, assaisonné avec une bonne huile, du sel marin, du citron ou du vinaigre de vin, du persil, de l’ail. (…) On se trouvera bien également du jus de chou extrait à la centrifugeuse électrique au moment de l’emploi : à la dose d’un verre par jour, il entraîne une rapide amélioration de l’état général, un regain de vitalité, l’atténuation ou la disparition de troubles intestinaux, urinaires, respiratoires ». Pour améliorer le goût, on pourra ajouter du jus de carotte et quelques gouttes de jus de citron à la préparation.
  • Pour reprendre la formule de l’herboriste M.-A. Mulot, le chou est "souverain dans les affections de l’estomac et de l’intestin". Voici ce qu’elle nous en dit : "on a découvert dans le Chou cabus un principe anticancéreux de nature sans doute vitaminique, dit vitamine U. Ce facteur n’a pas de contre-indication, et calme les douleurs de l’ulcère gastrique, il est efficace en cas de hernie hiatale, d’ulcère duodénal, de gastrite, de nausées, de régurgitations, de dyspepsies hépato-biliaires".
    Contrairement aux idées reçues, c’est aussi un précieux allié de la digestion. Comme on l’a vu, J. Valnet recommande de le manger cru ou sous forme de jus : pour lui, c’est la cuisson à l’eau qui rendrait le chou indigeste. Quoi qu’il en soit, la meilleure préparation pour le système digestif reste la lactofermention, qui ajoute aux vertus de la plante l’action des probiotiques.
  • Ce sont enfin ses propriétés cicatrisantes et désinfectantes qui ont fait la célébrité du chou. Les différents auteurs que nous avons consultés préconisent l’application de feuilles crues en pansement sur les plaies, après avoir retiré les nervures les plus saillantes, les avoir lavées et amollies à l’aide d’un rouleau à pâtisserie (pansements à changer régulièrement).

Bibimbap & Kimchi

Dans la cuisine de l'herboriste

S’il y a un légume pour lequel on déroule volontiers le tapis rouge dans la cuisine de l’herboriste, c’est bien le chou ! Car si vous pensez qu’un chou ne peut pas rendre une assiette festive, voici 10 idées pleines de couleurs et de saveurs :

  1. Allier chou chinois, piment et lactofermentation dans un kimchi : on trouve ce délicieux condiment rouge vif et relevé notamment dans le bibimbap, un plat de riz très populaire en Corée au centre duquel trône un œuf, lui-même entouré de légumes sautés et éventuellement de viande de bœuf.
  2. Couper des "steaks" de chou-fleur : Couper le légume dans sa largeur permet d’obtenir une forme originale que l’on peut enrober dans une marinade à base d’huile d’olive, de miel et de thym – à laquelle on rajoutera un peu de curcuma pour qu’il soit d’un beau jaune vif. Une fois coupé, coloré et assaisonné, vous verrez que même le bon vieux chou-fleur va arriver à vous surprendre avec son nouveau look ! La preuve dans ce bol d’hiver dont on vous donne la recette ici.
  3. Obtenir de la semoule de chou-fleur : on l’obtient tout simplement en mixant les fleurettes crues ! On peut alors préparer un « taboulé » à partir de cette base de semoule, en n’hésitant pas à mélanger des variétés de couleurs différentes (il existe des choux-fleurs verts, oranges, violets…). On peut aussi former une drôle de pâte à pizza en mélangeant cette semoule avec des œufs et du fromage râpé, que l’on fera cuire au four une vingtaine de minutes à 180°C après l’avoir garnie : laissez libre cours à vos envies et à votre imagination !
  4. Jouer avec les fractales du chou romanesco : cette astuce permet de sublimer facilement une salade ou une tartelette potagère, dont on peut garnir le fond avec une base de fromage de chèvre frais mélangé à des fines herbes fraîches, par exemple.
  5. Réaliser des pickles de chou rouge fuchsia : Au contact du vinaigre, le chou rouge devient rose vif. On peut préparer de délicieux pickles express qui donneront du peps à l’assiette la plus terne. On vous donne la recette ici !
  6. Pimper le chou de Bruxelles : ce légume mal-aimé parmi les mal-aimés se métamorphose littéralement quand on le fait caraméliser avec du sirop d’érable, de la sauce soja, de l’ail et du gingembre. N’hésitez pas à ajouter quelques amandes effilées au dressage.
  7. Faire des chips de kale salées : Enrobées d’huile et d’épices de votre choix (on a un petit faible pour le paprika fumé), puis cuites à basse température (2h30-3h à 180°C), les feuilles de chou kale donnent des chips délicieuses parfaites pour accompagner l’apéro ou pour ajouter une touche croquante à une assiette. Le secret : bien masser les feuilles de chou kale pour qu’elles s’imprègnent de la matière grasse et qu’elles ne brunissent pas à la cuisson. En ajoutant des graines de sésame torréfiées, on peut mixer ces chips et obtenir un gomasio original !
  8. Faire des chips de kale sucrées : Étonnant mais délicieux, enrobez ces feuilles de kale avec de l’huile de coco et des épices comme la cannelle ou la cardamome, et vous obtiendrez des chips sucrées que vous pourrez intégrer à vos granolas. Une recette à tester pour les plus audacieux !
  9. Buvez du chou : La saveur douce et les tiges juteuses du chou pak-choi (originaire de Chine mais cultivé jusqu'en Bretagne) en font un excellent ingrédient pour un smoothie. Il se marie très bien avec la poire : on peut ajouter 1 banane pour la texture et du jus de citron pour la touche d’acidité qui viendra contrebalancer le goût sucré de la boisson !
  10. Dégustez des tempura de chou kalette : Nouveau venu dans la famille des Brassicacées, le chou kalette est issu du croisement entre le chou frisé et le chou de Bruxelles et offre un goût délicat de noisette. Dans la cuisine de l’herboriste, on limite généralement la friture, mais voici une exception qu’on aime s’autoriser de temps en temps avec ces beignets japonais d'origine portugaise, plus légers et plus digestes que les beignets classiques. Au passage : la pâte à tempura permet aussi de transformer des épluchures de légumes ou certaines plantes sauvages fraîchement récoltées !

Tartelette potagère

Bibliographie :

  • L’encyclopédie visuelle des aliments, Les Éditions Québec Amériques, 2017.
  • Dr. J.-P. Curtay & Dr. R. Razafimbelo, La Cuisine de l'immunité, Mango Éditions, 2021.
  • S. Lacoste, Les aliments qui guérissent, Leduc.s Éditions, 2008.
  • J.-M. Pelt, Les fruits, Éditions J’ai Lu, 2009.
  • J.-M. Pelt, Les légumes, Éditions J’ai Lu, 2009.
  • Dr. J. Valnet, Se soigner par les légumes, les fruits et les céréales, Le Livre de Poche, 2015.

Choux kalettes

  • Merci pour cet article fort complet dans lequel vous n’avez pas fait que l’apologie du chou. Il est en effet important qu’il s’agit d’un légume goitrogène (je fais de l’hyperthyroidie…)
    Vos assiettes sont magiques !!
    Que te couleurs qui réveillent pleins d’émotions et éveillent les sens !
    Magnifique, du grand art !
    Dommage que vous soyez si loin de chez moi…

    • Merci à vous pour ce retour si enthousiaste et plein d’encouragements ! On est ravies que l’article vous ait intéressé et que les recettes vous donnent envie. Merci encore et à bientôt !

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